2021 : Retour sur le terrain pour identifier des solutions efficaces et perennes
Publié le 22 Déc 2021
Tous concernés…
Selon le Gobal Slavery Index, 2018, 24,9 millions de personnes seraient en situation de travail forcé : des enfants, des femmes et des hommes sur tous les continents. A ce chiffre, s’ajoutent plus de 160 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans astreints au travail et à des travaux dangereux (Rapport de l’OIT et UNICEF, juin 2021). Malheureusement, ces estimations ne comptent pas l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur les plus vulnérables. Toutes les ONG de terrain s’accordent pour alerter que, dans ce contexte sanitaire et économique, sans mesures d’atténuation efficaces, les chiffres vont repartir à la hausse.
Un grand nombre d’entreprises, actrices des chaînes d’approvisionnement mondiales, se mobilisent. Les Etats s’engagent en votant des lois de plus en plus contraignantes. La France, par exemple, devient « Pays Pionnier » auprès du partenariat mondial contre le travail des enfants et le travail forcé, l’Alliance 8.7. Les consommateurs exigent de plus en plus de transparence. Pourtant, plusieurs centaines de milliards de dollars des biens de consommation chaque année continuent potentiellement de résulter de travail abusif importés par les pays du G20 (354 en 2018, Gobal Slavery Index, 2018).
Diffuser notre expertise – au cœur de notre mission
Sans culpabilisation ni jugement et sans donner de leçons, nous proposons des outils de sensibilisation qui donnent à tous les publics les clés de compréhension du problème systémique du travail des enfants et du travail forcé.
Notre guide pour une prévention durable du travail des enfants et du travail forcé
Les activités des entreprises ont des incidences sur le travail des enfants et le travail forcé. Il est nécessaire d’améliorer et d’étendre la compréhension de ces incidences et du rôle déterminant des entreprises pour réduire durablement la vulnérabilité de personnes face au travail des enfants et au travail forcé.
La complexité des risques liés au travail indécent dans les chaînes d’approvisionnement exclut les solutions simples et unilatérales. Nous avons constaté que les solutions appliquées à des symptômes déplacent le problème, au mieux, l’exacerbent, au pire. Nous avons décidé de donner les moyens à tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement de prévenir les risques de manière effective et durable.
Nous avons consolidé un guide dédié à leur prévention à partir de notre expérience de terrain, des questions opérationnelles que soulèvent régulièrement des entreprises qui ont souhaité s’engager dans la démarche et les avis d’ONG à l’origine de la loi sur le devoir de vigilance. Ce guide (ultérieurement appelé cadre de référence) s’adosse aux conventions de l’OIT, est cohérent avec les principes directeurs de l’ONU et de l’OCDE à l’intention des entreprises et intègre la méthode prescrite par la loi française sur le devoir de vigilance.
Développé avec le soutien de nos partenaires entreprises et institutionnels, notre guide permettra à chacun d’agir pour prévenir les risques. Nous souhaitons qu’il permette aux différents acteurs d’intervenir dans le même sens et de manière cohérente avec leur environnement et avec les exigences mais aussi avec l’esprit des législations française et européenne. L’ampleur et la persistance des phénomènes de travail des enfants et de travail forcé dans le monde révèlent la difficulté de la tâche. Aucun acteur ne peut y arriver seul. C’est la raison pour laquelle chacun d’entre nous a un rôle à jouer. Ce guide dédié peut permettre de trouver un chemin ensemble pour y arriver.
RHSF mise sur l’expérimentation
Convaincus que les solutions clé-en-main n’existent pas, ou pire aggravent la situation pour les travailleurs, nous souhaitons expérimenter des solutions pilotes concrètes, qui allient innovation et pragmatisme pour agir à la racine du travail abusif. En novembre 2020, nous avons acté avec les membres du Lab 8.7, notre laboratoire d’incubation de solutions opérationnelles, quatre orientations d’expérimentation. A l’issue de deux mois de mobilisation de l’équipe RHSF, avec l’appui d’une consultante, nous avons soumis un dossier de cofinancement à l’Agence française de développement (AFD) pour deux expérimentations du Lab 8.7, l’une dans l’agriculture au Costa Rica, l’autre dans l’industrie en Malaisie. Notre projet a conquis l’AFD qui a validé le co-financement aux côtés des entreprises du Lab 8.7. Le soutien de l’AFD – l’établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale – représente, pour nous, une reconnaissance de notre mode d’action.
Grâce à ce soutien, les expérimentations de RHSF au Costa Rica et en Malaisie peuvent se lancer. Depuis le 1er novembre 2021, Estelle et Aziz sont sur le terrain au Costa Rica et en Malaisie.
Pour une agriculture respectueuse de tous les travailleurs
« Les jeunes ont des étoiles dans les yeux quand on leur parle du projet que notre partenaire Flora Nueva a construit autour des abeilles endémiques du Costa Rica. Là-bas comme en France, nous avons la chance de travailler avec des partenaires qui peuvent inspirer les jeunes dans l’agriculture et qui partagent une même vision de l’excellence : l’excellence ne peut plus s’entendre seulement comme celle d’un produit, l’excellence doit aussi être environnementale, économique… et sociale ! » Estelle Eeckeman, Responsable projet ferme d’excellence au Costa Rica chez RHSF.
Le travail abusif des enfants et des jeunes est massivement présent dans l’agriculture et peut prendre des formes diverses, de conditions de travail dangereuses pour des apprentis en France aux migrations de familles et d’enfants nicaraguayens vers le Costa Rica pour la cueillette du café.
Pour prévenir les risques de travail abusif des travailleurs vulnérables (travailleurs migrants, enfants), les expérimentations du Lab 8.7 entendent contribuer à un modèle d’excellence durable dans l’agriculture. En France comme au Costa Rica, nous partageons en effet avec nos partenaires un horizon commun : une agriculture respectueuse de tous les travailleurs, attractive pour les jeunes, et capable de pérenniser et développer ses savoir-faire de façon à relever les défis économiques et environnementaux d’aujourd’hui et de demain.
Pour parvenir à cet objectif, l’expérimentation au Costa Rica agira sur deux dimensions nécessaires et complémentaires : l’amélioration de la protection des travailleurs vulnérables (travailleurs migrants, enfants, femmes enceintes), et le déploiement d’un programme éducatif et d’apprentissage permettant d’ouvrir des perspectives d’avenir aux plus jeunes et donner de la fierté aux agriculteurs, aux parents et aux travailleurs.
Estelle est partie quelques mois sur le terrain pour lancer l’expérimentation au Costa Rica. Sur place, elle crée des liens de confiance avec les communautés, construit une compréhension commune des enjeux et coordonne les discussions entre tous (agriculteurs, jeunes, travailleurs…) pour définir le plan d’action à 3 ans. Estelle recrutera aussi un chef de projet costaricain avec qui elle travaillera depuis Toulouse, en vue, notamment, de consolider les résultats et les leçons tirés des expérimentations.
Souvent au cœur du problème : les filières de recrutement
Pendant ce temps-là, en Malaisie, Aziz va travailler sur des solutions opérationnelles autour de la « gestion responsable des ressources humaines » et des « filières de recrutement équitable ». La Malaisie dépend de près de 2 millions de travailleurs étrangers peu qualifiés légalement enregistrés. Grâce à un travail préparatoire approfondi, avec notre partenaire local, l’ONG malaisienne de défense des droits des travailleurs Tenaganita, nous avons identifié que, de manière systémique, les travailleurs migrants étaient confrontés à des modes de recrutement engendrant des situations de servitude pour dettes ainsi que des conditions de travail indécentes.
« Mon objectif est clair : mettre l’humain au cœur de tout le processus de management afin que le travailleur soit considéré à sa juste valeur, plutôt que comme un coût et un outil. Nous avons la chance, en tant que ONG, de pouvoir dialoguer de manière constructive avec toutes les parties-prenantes et donc de décomposer les rouages du système. Cela nous permet de comprendre en profondeur les attitudes et l’état d’esprit de chaque acteur ainsi que les leviers d’action pérennes et efficaces, » explique Aziz Ahammout, chef de projet en Malaisie pour RHSF.
Sur place, Aziz travaille avec tous les acteurs pour réduire les facteurs de risques internes et externes sur toute la chaîne de valeur : des villages où les travailleurs commencent leur circuit de recrutement en Indonésie et au Népal à l’usine qui a accepté d’être pilote en Malaisie. Cela signifie, notamment, agir dans l’usine (en y déployant une gestion responsable de la main d’œuvre), mais aussi tout au long de la filière de recrutement des travailleurs migrants, en construisant avec les agences et parties prenantes des filières de recrutement responsables et économiquement durables pour tous.
Le dessin, langage universel pour tous
Le travail des acteurs de la chaîne de valeur n’aurait aucun impact si le consommateur ne prend pas conscience de son rôle. Le succès de notre premier concours en 2015, nous a confirmé que le dessin est un outil puissant pour mettre en lumière les réalités invisibles et méconnues du travail forcé et toucher ainsi les consommateurs. En 2021, pour démultiplier sa visibilité, nous nous sommes associés avec l’OIT (Organisation internationale du travail). Plus de 200 dessinateurs de 65 pays ont utilisé leur talent pour délivrer 460 dessins. Avec leur crayon, ils soulignent l’urgence d’éradiquer le travail forcé et le travail des enfants et incitent chacun de nous à l’action.
« Le dessin est ma façon d’exprimer mon opinion et de faire réfléchir les gens sur des questions sociales et politiques. Le travail forcé et le travail des enfants font partie de mes thèmes de travail, car nous vivons dans un monde si injuste et ces problèmes sont souvent invisibles », Gargalo Vasco, le gagnant portugais du concours international de dessin.
Une sélection de ces meilleurs dessins fera l’objet d’une exposition itinérante à travers le monde dont l’événement phare aura lieu au Palais des Nations de l’ONU à Genève au mois de juin 2022. En attendant, ils sont d’ores et déjà réunis dans le catalogue disponible sur notre site.
La formation, comprendre pour agir
Afin d’assurer une homogénéité des connaissances, que tous les acteurs aient le même niveau de compréhension des enjeux et parlent le même langage, nous avons élaboré un parcours de formations adaptées aux professionnels et entrepreneurs. En fonction des métiers ciblés et à l’approche souhaitée, nous travaillons en direct ou via des partenaires publics ou privés.
En 2021, nous avons particulièrement ciblée notre approche pour nous appuyer sur des relais stratégiques et reconnus. Pour toucher directement les consommateurs français, nous avons formé les analystes et journalistes de « 60 millions de consommateurs », le magazine édité par l’Institut national de la consommation (INC). L’INC intègre maintenant les risques de travail des enfants et de travail forcé dans les critères de consommation responsable avec le soutien de RHSF. Sans vous oublier bien sûr, cher.e.s adhérent.e.s, nous avons été heureux de partager un webinaire autour du travail des enfants avec vous en juin et renouvellerons cet échange en 2022.
Côté investisseurs, nous nous sommes associés avec le Forum pour l’investissement responsable (FIR) pour éclairer les investisseurs sur le lien entre leurs investissements et la réduction effective de la vulnérabilité des populations au travail abusif. Notre première étape a été de les aider à mieux appréhender ces enjeux avec un webinaire sur le thème : « Travail forcé et travail des enfants : mieux comprendre les risques pour encourager les politiques de prévention à impact ». Nous allons maintenant plus loin et travaillons sur une méthode alternative d’évaluation des entreprises sur leur prévention des risques de travail des enfants et de travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement.
Face à l’augmentation des risques pour les plus vulnérables, nous nous devons d’agir en profondeur. Les consommateurs commencent à sélectionner leurs achats et attendent des modes de productions éthiques et responsables, tout autant qu’une communication transparente. La France s’engage fortement. De plus en plus d’entreprises analysent leurs risques et tentent de les prévenir. Les investisseurs prennent en compte les pratiques… En cette fin d’année de l’élimination du travail des enfants, nous souhaitons de tout cœur que le contexte soit favorable à une accélération des progrès visant à prévenir le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage moderne. A chaque étape de la production et de la consommation, il est possible d’agir. Rejoignez le mouvement RHSF !