RHSF – Ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères : un partenariat constructif 

RHSF – Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères : un partenariat constructif 

Publié le 06 Fév 2023

Par GUY CLAVEL

Travail sur le terrain, formation de représentants diplomatiques, facilitation de contacts dans des pays étrangers, partage d’expérience sur le travail des enfants et le travail forcé dans l’industrie ou dans l’agriculture dans le monde… Un partenariat mutuellement très enrichissant s’est établi depuis deux ans entre l’association Ressources Humaines Sans Frontières (RHSF) et le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE). 

« Ce partenariat est clé car il nous permet de comprendre le contexte politique et économique dans chacun de nos pays d’intervention. Sur la base de nos échanges en profondeur, nous mutualisons les observations de terrain pour partager les nœuds des problèmes que nous rencontrons et identifier les projets et les organisations qui pourraient avoir un impact sur le travail des enfants et le travail forcé » affirme la présidente de RHSF, Martine Combemale.

« La diplomatie française souhaite accompagner les entreprises françaises ayant des sous-traitants à l’étranger. Mais ces sujets sont ‘complexes’. Le MEAE a donc choisi de s’appuyer sur l’expérience de RHSF », atteste pour sa part le représentant spécial pour la responsabilité sociétale des entreprises et la dimension sociale de la mondialisation au MEAE, François Gave. 

Une urgence nationale et internationale au cœur du partenariat 

En 2017, est promulguée en France une loi relative au Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, les obligeant à identifier chez leurs filiales ou leurs sous-traitants les risques et à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales... ». Les entreprises françaises sont alors confrontées à une véritable problématique face à des injonctions dans des domaines qu’elles contrôlent mal.  

De son côté, l’ONU fixait en 2015 parmi ses Objectifs de Développement Durables (ODD) la « cible 8.7 » visant à mettre fin au travail des enfants d’ici 2025 et au travail forcé d’ici 2030. Et elle lançait, en 2017, l’Alliance 8.7, un partenariat mondial rassemblant des Etats, des organisations internationales et des entreprises, pour atteindre ces objectifs. A l’heure actuelle, elle compte 375 « partenaires » et 26 « pays pionniers », des pays qui se sont engagés à renforcer leurs efforts dans ces domaines. 

Actuellement présidente de l’Alliance 8.7, la France est particulièrement impliquée dans ce combat. Elle est devenue, en 2021, France pays pionnier pour éliminer le travail des enfants et le travail forcé.

Au niveau international, une véritable volonté politique s’est donc manifestée dans cette lutte et dans un premier temps des résultats tangibles ont été enregistrés. 

Travail des enfants : estimations mondiales 2022, tendances et chemin à suivre
© UNICEF/UNI123128/Khan

Pourtant, ces dernières années, à cause notamment de la pandémie de Covid-19, ces avancées politiques ne se sont pas traduites sur le terrain, bien au contraire. 

Selon un rapport publié en juin 2021 par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Unicef, le nombre d’enfants victimes du travail s’élevait alors à 160 millions dans le monde. « Soit une augmentation de 8,4 millions d’enfant au cours des quatre dernières années, et des millions d’autres sont en danger en raison des effets de la Covid-19 », déplorait-il.

Quant au travail forcé, l’OIT l’estimait à 27,6 millions de personnes en 2021, soit en augmentation de 2,7 millions entre 2016 et 2021.

Ce dérapage se confirme sur le terrain, a précisé le Premier secrétaire et attaché de presse à l’Ambassade de France à Kuala Lumpur, Victor Karayan, lors d’une table ronde co-organisée récemment par RHSF et l’AEF Info : « En Malaisie, nous observons le retour des mauvaises pratiques au nom de la reprise de l’économie. La situation s’est détériorée depuis la pandémie ».

RHSF au rendez-vous des entreprises et du MEAE 

Des entreprises face à la problématique du travail des enfants et du travail forcé, la France en pointe sur le sujet en tant que présidente de l’Alliance 8.7… RHSF, avec son expérience de terrain de plus de 18 ans sur le travail indécent dans les chaînes d’approvisionnement, était bien placée pour offrir son expertise. 

Son mode d’action était innovant, centré sur l’expérimentation de solutions pilotes de prévention avec les parties prenantes et de partage des connaissances acquises auprès de tous ceux qui œuvrent pour un travail décent tout au long des chaînes d’approvisionnement. 

Par ailleurs, RHSF possède une longue pratique de la transmission, ayant formé plus de 1 500 professionnels impliqués dans l’évaluation et la prévention des risques. L’ONG est intervenue dans plus de 15 pays. 

Enfin, pour inventer, expérimenter et diffuser des solutions capables de contribuer à l’éradication du travail des enfants et du travail forcé, RHSF a créé le « Lab 8.7 », un programme de recherche-action. Il cible la protection des travailleurs tout au long du recrutement, l’éducation et les compétences d’avenir dans l’agriculture, ainsi que la gestion responsable de la main-d’œuvre.

Dès le départ, RHSF travaille avec le soutien d’entreprises engagées au sein du Lab 8.7.

En 2020, le MEAE s’associe à l’initiative : le Secrétaire général du Quai d’Orsay, alors M. François Delattre, annonçait en effet que le ministère « s’appuierait sur l’expertise reconnue » de RHSF, « se réjouissant de cette collaboration » dans le cadre de la France pays pionnier.

Un partenariat RHSF – MEAE concret 

Ce partenariat s’est voulu dès le départ très concret, autour du Lab 8.7, pour fournir des outils propres à éradiquer à terme le travail des enfants et le travail forcé. 

Expliquer, proposer de nouvelles solutions, expérimenter sur le terrain, partager le retour d’expérience, construire… La complémentarité des deux acteurs, et leur souci de travailler en permanence en symbiose avec le monde de l’entreprise, les a amenés à engager immédiatement des actions. 

RHSF a, dans un premier temps, organisé des sessions de formation auprès des ambassades de France et des services du MEAE, touchant une dizaine de postes à l’étranger, pour leur faire comprendre la complexité de ces sujets. 

Logo du ministère des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères

En partenariat avec le Représentant Permanent de la France à Genève, une exposition sur le travail forcé conçue par RHSF avec l’OIT a été présentée au Palais des Nations à l’ONU à l’occasion de la Conférence Internationale du Travail en juin 2022. 

Les entreprises étant au cœur de la lutte contre le fléau, le MEAE a promu d’autre part la rédaction d’un « guide de prévention » dédié aux pratiques ayant un impact positif sur les personnes vulnérables au travail des enfants et au travail forcé. Il a été conçu à la suite d’une étude menée par RHSF et l’OIT sur l’intégration du travail des enfants dans l’exercice du devoir de vigilance des entreprises. 

Sur le terrain, le partenariat RHSF – MEAE s’est concrétisé par une double expérimentation au plus près des travailleurs en Malaisie et au Costa Rica, sur trois ans, grâce au soutien de l’Agence Française de Développement (AFD). Les postes français à l’étranger y sont associés (Malaisie, Indonésie, Népal, Costa Rica, Nicaragua), ainsi que l’OIT, des employeurs locaux, des donneurs d’ordre français, des universitaires et des organisations locales de la société civile représentant les communautés.

Grâce aux ambassades, confirme la directrice générale de RHSF, Magali Croese, « le MEAE nous permet de nous installer localement, en adoptant dans notre propre mission une posture compatible avec un partenariat entre la France et le pays concerné. »

Une réussite commune reconnue 

Deux ans après son lancement, le travail commun réalisé par RHSF et le MEAE est salué comme une pleine réussite par les deux partenaires, qui soulignent leur complémentarité. 

© Petit dej AEF, 14/10/2022

Au cours de la table ronde co-organisée par RHSF et l’AEF info, François Gave relevait au nom du MEAE « le travail vraiment remarquable » réalisé par l’association, « une ONG très professionnelle, très chevronnée, avec une longue expérience sur ces sujets« . Il a salué son « pragmatisme« , le fait qu’elle « est constructive, ne blâmant personne« . 

Le partenariat, remarquait-il, couvre différents secteurs, s’appuyant sur le fait que RHSF « a beaucoup de cordes à son arc, est très polyvalente », avec des activités de formation, un travail sur le terrain, un partage d’expérience. 

Le Premier secrétaire de l’Ambassade de France à Kuala Lumpur, Victor Karayan, se félicitait pour sa part de « l’éclairage pour lutter contre le travail forcé » apporté par RHSF au corps diplomatique grâce aux formations offertes, aux documents produits (cartes-pays sur les risques de travail forcé, guides)… Des éléments extrêmement utiles, selon lui, car les entreprises françaises se tournent en priorité vers leur Ambassade ou la chambre de commerce française locale pour connaître le contexte économique d’un pays.  

Pour conclure, Martine Combemale observe que « ce partenariat avec le MEAE nous permet de travailler avec tous les acteurs pour le bien des travailleurs les plus vulnérables. »