Grands oubliés de la crise Covid-19 : les travailleurs migrants
Publié le 13 Mai 2020
Les travailleurs migrants dans les pays en voie de développement, mais aussi dans nos pays développés, sont les grands oubliés de la pandémie de Covid-19. Ils sont frappés de plein fouet, et sans aucune protection sociale, du fait de nos propres difficultés économiques et de nos changements de consommation dus à la pandémie.
A l’autre bout du monde
Fermetures d’usines, totales ou partielles, production au contraire décuplée pour certains secteurs (gants, masques), augmentation du travail informel, mesures de confinement, frappent tout particulièrement les travailleurs migrants…
Leur sort est le plus souvent ignoré, alors qu’ils travaillent pour la plupart pour nos sociétés de consommation.
Les travailleurs migrants sont présents dans de nombreux secteurs à l’arrêt : construction, tourisme et hôtellerie, automobile, textile, etc. Des secteurs qui subissent violemment le ralentissement des économies occidentales, l’arrêt du transport aérien… Et qui ne bénéficient pas encore à plein de la reprise.
Notre expérience de terrain montre que dans la plupart des cas ils ont dû payer des sommes très importantes, parfois jusqu’à deux ans de salaire, à des agences de recrutement pour avoir le droit de travailler, au mépris du droit international et local. Des arriérés qu’ils ne peuvent pas rembourser s’ils perdent leur emploi, et les contraint à des situations de servitude pour dettes.
Les entreprises qui reprennent leur activité pour fabriquer des masques ou des équipements médicaux, comme en Chine, n’ont par ailleurs aucune visibilité sur le long terme, et embauchent plutôt des temporaires. Mais ce type de main-d’œuvre est souvent confronté à des risques d’exploitation en termes de rémunération, d’amplitude des horaires de travail…Ces ouvriers doivent travailler parfois plus de 90 heures par semaine, sans jour de repos, au mépris des conditions sanitaires et légales.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage a récemment averti que la précarisation croissante de la main-d’œuvre accroîtrait les risques liés à l’esclavage moderne.
Pour RHSF, la situation actuelle est en effet le terreau idéal pour créer des situations de travail forcé ou de servitude pour dettes, formes modernes de l’esclavage: problèmes économiques (perte du salaire, pas de possibilité de faire des heures supplémentaires…), sanitaires (absence de barrières au travail, confinement dans des lieux bondés, dortoirs surpeuplés…), de moral (isolement, dénuement total, impossibilité de retourner dans leur pays…), sécuritaires (poursuites par les autorités, rejet par la population…).
En Europe même
L’Europe est le continent où le risque d’esclavage moderne avait le plus augmenté en 2017, et l’agriculture était en première ligne. Ce risque est largement amplifié aujourd’hui avec la nécessité de faire venir des migrants pour pallier le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs économiques.
Le Royaume Uni a ainsi organisé des charters de travailleurs roumains pour son agriculture. L’Allemagne a fait de même. Le gouvernement français vient d’annoncer qu’il ouvrait également ses portes aux Européens venant de l’espace Schengen, ainsi que de Roumanie et Bulgarie, pour participer aux récoltes.
Or l’expérience de RHSF, comme de nombreuses études, montrent que le recrutement d’étrangers peut s’accompagner de conditions de travail et de vie abusives, qui peuvent aller jusqu’au travail forcé, notamment en présence d’intermédiaires étrangers.
Le travail des enfants
La question du travail des enfants est également un sujet de préoccupation en ces temps de pandémie. L’UNESCO estimait début mai (données du 07/05/2020) que 72.4% des enfants n’allaient pas à l’école à cause des fermetures liées au Covid-19. Soit 1 268 millions d’enfants qui, notamment dans les campagnes, pourraient se voir confier des tâches inappropriées à leur âge en raison du manque de main-d’oeuvre.
En France, RHSF constatait déjà en 2019 dans des exploitations agricoles des situations de travail dangereux d’enfants de moins de 16 ans, sans autorisation de l’inspecteur du travail. Un risque nettement aggravé par la pandémie actuelle.